encad loyersSi pour les parisiens, le mois d’août rime souvent  avec soleil, coquillages et crustacés, cette année pour les bailleurs, il va aussi rimer avec …. encadrement des loyers (ce qui est nettement moins réjouissant 😉 ), et ce dès le 1er août 2015.

 

C’était l’engagement électoral numéro 22 de François Hollande lors de sa campagne présidentielle: « Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d’encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou de la relocation. »

La loi ALUR de Cécile Duflot prévoyait d’appliquer cet encadrement dans les 28 agglomérations tendues, là où s’applique la taxe sur les logements vacants. Mais sitôt Mme Duflot partie, Manuel Valls limitait rapidement sa mise en oeuvre à Paris, et quelques villes volontaires (Lille et Grenoble seraient les prochains sur la liste).

Qui dit encadrement des loyers, dit loyer de référence: l’observatoire des loyers de Paris (OLAP), a carte encadrement loyerspublié le 5 mai dernier les loyers de référence en prix/m2, pour 80 quartiers parisiens, regroupés en 14 zones, déclinés par type de logement (studio, deux, trois, quatre pièces et plus) et époque de construction (4 époques).
Le préfet de Paris a signé le 26 juin l’arrêté entérinant ces critères et valeurs, majorés de 10 % pour une location meublée.

Pour trouver le loyer de référence en entrant une adresse précise, voir ce site : www.referidf.com

Voici en bref, les modalités d’application de cette mesure tant décriée :

A quels logements s’applique l’encadrement des loyers ?

A tous les logements parisiens du parc privé, en location vide ou meublée, constituant la résidence principale du locataire (à l’exception des biens loués en loi 48 et des logements sociaux)

A quel moment ?

A partir du 1er août, dès la première mise en location, lors du renouvellement du bail, ou du changement de locataire. Le nouveau bail devra mentionner le loyer payé par l’ancien locataire.

Comment s’applique l’encadrement des loyers?

Dans le cadre du nouveau bail, le propriétaire ne peut pas demander un loyer excédant le loyer de référence défini par l’OLAP, majoré de 20%.

Une double règle s’applique cependant:

  • celle du plafonnement de loyer ainsi définie, à partir du 1er août 2015
  • celle en vigueur depuis le 1er août 2014, qui interdit au propriétaire d’augmenter  le loyer entre deux locataires successifs de + de l’indice de révision des loyers. Exception: les logements neufs, ou ceux reloués après 18 mois de vacance, qui échappent à cette limite de l’ancien loyer indexé, mais pas au plafonnement des loyers.

La loi permet également au bailleur de réaligner son loyer à la hausse (avec un préavis de 6 mois) si le loyer est situé 30 % (ou plus) en dessous du loyer de référence.

Un propriétaire peut-il fixer un loyer supérieur au plafond ?

Oui car le décret d’application de la loi, prévoit que le propriétaire puisse demander un complément de loyer, si le bien présente « des caractéristiques particulières »…. notion assez floue, mais qui ne pourra pas prendre en compte des éléments déjà intégrés dans le calcul des loyers de référence (quartier, nombre de pièces, époque de construction, meublé ou non), ou dans les charges (présence d’un gardien…).

Ces caractéristiques doivent être «déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique» (Il peut s’agir par exemple d’une terrasse, d’une vue rare ou d’un jardin, à condition que les logements des alentours en soient dépourvus.)

Cette définition plutôt vague et sujette à interprétation du «complément de loyer» reflète la difficulté, pour le gouvernement, à rédiger ce décret : l’an dernier le Conseil constitutionnel avait retoqué la formulation inscrite dans le projet de loi Alur, qui évoquait les caractéristiques «exceptionnelles» d’un logement.

Comment vont être gérés les conflits ?

Le locataire pourra contester la pertinence de son loyer, dans les 3 ans suivant la signature du bail, auprès de la commission de conciliation des loyers (composée de professionnels de l’immobilier, d’associations de bailleurs et de locataires, et auprès de laquelle les démarches sont gratuites)

La commission donnera un avis dans les 2 mois. Faute d’accord, c’est le tribunal d’instance qui tranchera.

Pour contester un complément de loyer, le locataire pourra saisir la même commission dans les 3 mois suivant la signature du bail.

Dans tous les cas, si le locataire obtient une réduction de loyer, celle-ci sera rétroactive.

Et si un locataire déjà en place au 1er août 2015, veut faire baisser son loyer s’il est supérieur au plafond, il devra attendre le renouvellement de son bail, et réclamer une révision cinq mois avant l’échéance du bail (son bailleur ne pourra pas se « venger » en lui donnant congé, puisqu’il doit signifier le congé 6 mois avant la fin du bail)

Et… notre avis ?

Comme tous les professionnels de l’immobilier, nous craignons le blocage du marché immobilier, déjà bien fragilisé par les crises successives, et l’instabilité fiscale permanente.

Nous constatons que les investisseurs privés sur la Capitale se font de plus en plus rares, les rendements locatifs se réduisant comme peau de chagrin.

Nous aimerions pouvoir les rassurer de manière certaine avec la possibilité du « complément de loyer », car les biens que nous faisons acheter à nos clients sont généralement « au-dessus du lot ». Mais cette notion a été définie de manière tellement floue que personne ne peut prédire comment elle sera interprétée côté tribunaux…..

Vraisemblablement, l’étage élevé ne constituera pas une justification pour ce complément, car les statistiques montrent que cet élément influe peu sur le prix de la location. Mais pour un meublé, est-ce que la qualité des meubles ne pourra pas à elle seule justifier le complément de loyer?

Voilà qui risque en tous cas de créer très rapidement une inflation de contentieux, et l’engorgement de l’instance qui les gère…

Nous craignons bien sûr, d’autres dommages collatéraux, comme la dégradation du parc locatif (quel propriétaire investira en travaux dans son appartement ou dans sa copropriété s’il ne peut répercuter la valorisation de son bien sur son loyer?), ou les pratiques illégales (par exemple des enveloppes supplémentaires données « au black » aux propriétaires qui ne souhaiteraient pas afficher le « vrai loyer » sur le bail).

En Suède où les loyers sont encadrés, le marché officiel de la location est complètement bloqué: il faut parfois attendre 10 ans sur d’interminables files d’attentes avant d’avoir un logement à Stockholm.

En marge du marché « légal », s’est organisé un système parallèle, avec des propriétaires ou des locataires bénéficiaires d’un loyer modéré, qui sous-louent au noir et à prix d’or leurs logements…

D’autre part, le découpage vraiment trop imprécis de l’OLAP, risque de donner lieu à de sérieuses dérives: seulement 14 zones ont été définies, alors que Paris compte 20 arrondissements, au sein desquels on change parfois totalement d’environnement à 200m près ! A ce sujet, Lodgis (agence de location de meublés) dénonce:« une famille défavorisée louant un appartement de 4 pièces dans un immeuble haussmannien au métro Château Rouge, dans des rues très populaires comme la rue Poulet ou la rue Doudeauville (loyer médian de 20,4€/m2), paiera un loyer plus cher qu’une famille aisée ayant les garanties nécessaires pour louer un appartement identique place des Victoires ou rue Saint Honoré (loyer médian de 20,3€/m2). Exemple encore plus frappant, un 4 pièces dans un immeuble récent se louera 40% plus cher du côté des numéros impairs de l’avenue de Choisy que du côté des numéros pairs (loyers médians de 24.3€/m2 vs 19€/m2) »

Voilà un sujet dont on n’a pas fini d’entendre parler…

… d’autant plus que des actions sont déjà lancées en justice contre cette loi, dans les 2 sens: par ceux qui jugent qu’elle va trop loin, ou par ceux qui au contraire trouvent qu’elle ne va pas assez loin 🙂

Julien Bayou, représentant d’ Europe Écologie-Les Verts (EELV), qui préside une association contre le mal-logement, a déposé deux séries de recours: l’une devant le Conseil d’Etat, dirigée contre la décision de Manuel Valls de n’autoriser l’encadrement des loyers qu’à Paris, et l’autre devant le tribunal administratif de Paris, dirigée contre la décision du préfet de région de n’encadrer les loyers qu’à Paris alors que la loi impose que toute l’agglomération parisienne soit concernée.

En parallèle, la Chambre Nationale des Propriétaires, une association de défense des propriétaires et copropriétaires, a décidé de contester le décret instaurant l’encadrement des loyers à Paris.
Deux motifs sont invoqués: d’une part, l’imprécision actuelle des textes qui ne permettent pas de fixer clairement le montant du loyer et de son complément éventuel, et d’autre part, une décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme de 2012 qui a considéré (en Norvège) que l’impossibilité pour les propriétaires fonciers d’augmenter les loyers « a porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens ».

Et ce n’est pas fini, car plusieurs représentants des professionnels de l’immobilier, dont la FNAIM, étudient également la possibilité de déposer des recours…

 

A suivre donc à la rentrée !…

 

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