ChDS3 Après plusieurs péripéties, Benoît Apparu, le secrétaire d'état au logement, a finalement réussi à faire passer la loi qui lui tenait à coeur, instituant une nouvelle taxe sur les loyers surévalués de micro-logements, applicable à partir du 1er janvier 2012.

Sont visés, les propriétaires de toutes petites surfaces -moins de 14 m2- qui profitent de la demande explosive, pour louer à des tarifs très élevés, des biens minuscules et très souvent de standing très modeste (7e étage sans ascenseur, wc sur le palier, hauteurs sous plafond réduites, etc…)

L'historique

En 2010, Benoît Apparu a commencé à mener plusieurs opérations de com sur le sujet, visitant par exemple une chambre de bonne de 12 m2 place des Ternes, accompagné d'un journalisté de Libé, en se faisant passer pour un candidat à la location. Il avait été effaré du prix demandé, 710 euros/m charges comprises, et des commentaires du propriétaire se plaignant de la "demande molle" sans s'interroger sur le montant du loyer, totalement abusif.

A l'automne 2011, un principe de taxe sur les loyers surévalués est incrite dans le projet de loi de finances 2012. Mais le Sénat rejette la proposition, la jugeant inutile voire contre-productive: les "marchands de sommeil" pourraient dorénavant exiger tout ou partie du loyer "au noir" pour contourner la loi, et certains propriétaires pourraient également cesser de louer leur bien à l'année pour les passer en location saisonnière (non concernée par la taxe), ce qui aggraverait encore la situation du logement.

Mais c'est finalement l'Assemblée Nationale qui a eu le dernier mot, et voté le dispositif en décembre 2011.

Le principe de cette taxe

Les logements visés doivent remplir simultanément les 4 conditions suivantes:

– être de surface habitable inférieure à 14m2

– être situés dans une ville de fort déséquilibre entre l'offre et la demande de logement (c'est la zone A telle que définie pour les investissements Scellier, à savoir, en gros, la région parisienne, la Côte d'Azur, et le Genévois français)

– constituer la résidence principale du locataire, dans le cadre d'un bail de location vide ou meublé d'au moins 9 mois (hors résidence de services)

– être loué à un prix au m2 dépassant le seuil fixé pour 2012 (révisable tous les ans), qui est de 40 euros/m2

Le mode de calcul de la surtaxe est un peu fumeux (bizarre et illogique qu'il ne suive pas un système de tranches!), mais le voilà:

La surtaxe (de 10 à 40% en fonction du montant du loyer) s'applique à la totalité du loyer hors charges, et s'ajoute à l'imposition habituelle des revenus locatifs. Elle sera de:

– 10% pour un loyer compris dans une fourchette de 40 à 46 euros/m² (pour Paris)
– 18 % sur la tranche 46 à 52 euros/m² 
– 25 % sur la tranche 52 à 62 euros/m² 
– 33 % sur la tranche 62 à 76 euros/m²  
– 40 % pour les loyers dépassant 76 euros/m². 

A l'annonce de cette mesure, Jean Perrin, président de l'UNPI (Union Nationale de la Propriété Immobilière), rétorquait: "une taxe n'a jamais fait baisser les prix. Au contraire, la logique voudrait que les loyers augmentent pour compenser la surtaxe".

FAUX à priori!.. Une petite application numérique pour montrer que celui qui croira gagner plus, gagnera moins ;-):

Mr Dupont est propriétaire d'une chambre de 13 m² qu'il loue 800 euros/m (un bandit!), soit un loyer de 80 euros/m². Il devra acquitter une taxe de 320 euros (800 x 40 %). A première vue, il restera donc 480 euros à Mr Dupont, soit toujours 80 euros de plus que s’il applique effectivement le loyer de référence (40 euros/m²). Attention: Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une surtaxe, qui viendra s’ajouter à l’impôt que Mr Dupont verse sur ses revenus fonciers. Ainsi, si Mr Dupont est imposé à 25 %, il acquitte déjà un impôt de 200 euros [800 x 25 %] sur les revenus qu’il tire de sa location. Il payera donc un total de 520 euros (320 +200 euros), et ne conservera in fine que 280 euros. Si, au contraire, il accepte de ramener le montant de son loyer à 40 euros/m², il ne sera imposé qu’à hauteur de 100 euros au titre de ses revenus locatifs [400 x25 %], et ne devra acquitter aucune surtaxe. Et conservera donc 300 euros sur le loyer qu’il perçoit. Cqfd.

Que penser d'une telle mesure?

Qu'elle va inciter certains propriétaires à baisser leurs loyers, certainement (voir exemple ci-dessus). Mais certains autres à dissimuler une partie du loyer, probablement.

Qu'elle pourrait en inciter d'autres à augmenter leur loyer juste en-dessous des 40 euros/m2, lorsque le prix moyen à la location sur Paris est de 23 euros/m2.

Qu'elle est peut-être un brin démago, si près des élections :), en visant 50 000 logements, dont 20 000 parisiens, sur les 6 millions de logements du parc privé.

En tous cas, si vous souhaitez acheter une chambre de service à un prix raisonnable, il semblerait que ce soit le moment!

Depuis l'annonce de cette mesure à l'automne 2011, les annonces de chambres de service pleuvent sur le marché…. en annonçant souvent des rentabilités locatives qui ne sont plus d'actualité 🙂